Qu'il est risible de recevoir en pleine figure à chaque fois la même critique : "les partisans du mariage homo font tout pour éviter le débat". Encore faudrait-il qu'un vrai débat puisse avoir lieu parmi les détracteurs du projet de loi, véritables prédicateurs de l'apocalypse et chantres de la mauvaise foi.
Entre l'opposition d'une partie (mineure) de la classe politique française par purs calculs politiques (Sarkozy étant à la base favorable à ce projet en 2007 !) et celle des maitres à penser de la troïka (juive, chrétienne et musulmane) religieuse, que reste-t-il de l'opposition ?
Ce billet a un but très simple : démontrer les contradictions inhérentes au pseudo-argumentaire d'une minorité d'individus dont l'opposition au mariage pour tous reflète moins la volonté de conservation d'une valeur qu'ils jugent traditionnelle que la volonté d'exister dans un monde qui a fait depuis longtemps la part belle à la raison, au détriment de l'aveuglement religieux d'un passé révolu. Entre incohérence et bêtise, l'argumentaire fait bien souvent place aux préjugés, aux lieux communs et aux convictions personnelles infondées plutôt qu'à de véritables arguments basés sur le savoir et la connaissance. Cela vous étonne ? Moi pas. Lorsque l'on sait qu'il aura fallu attendre 450 ans avant que l'Église reconnaisse, entre autre, lors du concile Vatican II (1965 !) que la Terre tourne bien autour du soleil, on peut raisonnablement estimer que le PACS, l'utilisation du préservatif, la pilule contraceptive et bien d'autres seront reconnus d'utilité publique dans 200 ou 300 ans... si l'Église existe encore.
Bref, loin de moi l'idée de lancer un véritable réquisitoire contre les instances religieuses, mais il va quand même falloir remettre certaines choses à leur place, notamment l'idée bien typique et moyen-âgeuse que l'Église détient la vérité absolue, qu'elle est en droit de dire ce qui est légitime ou non.
On ne s'intéressera pas ici aux arguments purement homophobes auxquels nous n'accordons aucun type de considération. Cette phrase (stéréotype de l'argumentaire religieux) est un exemple parmi d'autres du manque de cohérence nécessaire à soutenir le propos et de la considération de croyances personnelles comme vérité générale. Expliquez moi le rapport entre une loi qui accorde les mêmes droits aux couples homosexuels qui s'aiment ( en terme d'héritage, de protection de l'enfant,...) qu'aux couples hétérosexuels, et la nécessité d'un homme et d'une femme pour se reproduire ? Il y a confusion (évidemment volontaire) entre le fait d'assurer la continuité de l'espèce humaine et d'accorder les mêmes droits juridiques aux homos qu'aux hétéros (individus qui sont, rappelons le, strictement identiques en tout point, sauf en raison de leur orientation sexuelle, particularité variable qui relève bien entendu de la sphère privé et qui, malgré tout, est à l'origine d'une différence de traitement juridique : c'est totalement absurde). Comme si accorder les mêmes droits au dernier conjoint vivant allait transformer les préférences de tous les individus de la planète en faveur de l'unique coït anal. C'est d'une stupidité navrante, mais certains détracteurs arrivent quand même à sortir cet argument, totalement dénué de sens, de fondements, et qui n'a pour but que de semer peur et confusion dans l'esprit des gens. Dommage.
- Le mariage est à la base un sacrement religieux, et nous n'accepterons pas que les couples de mêmes sexes le salissent en en profitant.
Oui, oui, je n'ai pas inventé cet argument, même s'il est déclamé par les plus ultras d'entre vous. Rappelons quand-même une chose : le mariage civil a été dissocié du mariage religieux depuis 1796, et à ce titre, tout lien a été rompu entre l'un et l'autre, subsiste uniquement le terme, qui ne prête pas à confusion car il désigne bien deux concepts différents. Alors que le premier assure des garanties en termes de droits et de statuts, le second est une simple union devant Dieu. Ce qui touche au mariage civil, où à n'importe quelle loi d'union civile ne regarde en RIEN l'Église, qui n'a pas à empiéter sur les platebande de l'État. Quand bien même une partie des valeurs culturelles françaises est fondée une culture judéo-chrétienne (très relative, nous le verrons plus tard), le principe constitutionnel de laïcité garantie qu'aucune Institrution religieuse n'a à marcher sur les principes étatiques en dictant sa loi.
Résumé : le mariage civil n'a rien à voir avec le mariage religieux, donc remballez ce genre d'arguments, il n'a aucune valeur dans ce débat.
- ... et son corollaire :
En revanche, on est pour une union des homos mais pas qui s'appelle mariage !
Alors là, on frise le ridicule. Qui irait sérieusement perdre son temps à manifester pour un simple problème sémantique ? On sent la mauvaise fois. Par ailleurs, je le répète : le mariage civil, n'en déplaise à certains, n'ayant plus rien à voir avec la mariage religieux qui était lui-même une très libre interprétation du mariage jusqu'à l'Antiquité, il peut très bien s'appliquer à deux personnes de mêmes sexes. Et si ce terme heurte des sensibilités, c'est fort malheureux mais c'est comme ça.
- D'ailleurs, la famille, la vraie, avec deux êtres qui s'aiment, ne peut exister qu'avec le modèle classique de la famille nucléaire des temps anciens.
Ahh, la fameuse critique du "un Papa, une Maman, une famille". Sans doute la plus réac' et la plus stupide de toutes (la dévalorisation de la qualité des arguments adverses n'est pas qu'un simple procédé rhétorique, c'est le simple reflet de la réalité). Bref, donc nous sommes face à des individus qui soutiennent que le modèle familial nucléaire,
normal (ahaha, je kiffe ce terme, ceux qui l'emploient se décrédibilisent en général dans la seconde qui suit) est le plus adapté pour l'enfant. Cet argument fait fi de dizaines d'années d'observations et de recherches anthropologiques, ethnologiques et sociologiques dans la plupart des cultures de la planète. Rappelons donc aux ignorants que ce modèle qu'ils aiment tant ne date en Europe que de l'Apogée de la puissance de l'Église sur les mœurs des individus, c'est à dire entre le XIIè et le XIIIè siècle après JC, où l'Eglise a imposé sa vision biblique de la famille en Europe. Que ce soient pour les tribus germaniques où l'adoption était monnaie courante en terme de filiation, le système de filiation par les clans chinois ou encore la multiplication des pères chez les Nuer du Soudan, rien ne laisse suggérer (bien au contraire) que ces enfants furent (ou sont, pour les rares cas d'organisations familiales qui persistent) demeurés. Cela reflète simplement l'ethnocentrisme des militants, reflet de l'intolérance et de l'incapacité d'une partie des Français de penser aujourd'hui différemment le rapport à l'Autre.
Rappelons également que le mariage n'est à l'origine, dans un sens purement anthropologique, que la résultante, la preuve sociale, une sorte de contrat garant de l'union de deux communautés afin d'obtenir de chaque groupe la coopération, une sorte d'alliance qui permet d'éviter la consanguinité (prohibition de l'inceste, car les filles de mon groupe sont réservées aux hommes de l'autre groupe) mais également de fortifier la communauté (on est plus fort pour survivre quand on est ensemble). Cela pour dire que la conception du mariage aujourd'hui, pensée comme si elle devait impérativement être respectée car soi-disant vraie en tout lieu tout époque, n'est qu'une affabulation scandaleuse.
En fait, il faut se rendre compte que toute cette histoire est véritablement montée en épingle et que cette valeur dite traditionnelle de la famille (et à laquelle on doit absolument adhérer, sans quoi, comme l'avancent certains psychanalystes, on devient tous teubés) n'est qu'une façon d'instrumentaliser les choses. Dire que remettre en cause le modèle familial d'aujourd'hui, c'est laisser la porte ouverte à toutes les perversions, c'est un gigantesque doigt levé devant les enseignements de l'Histoire. Oser dire que les valeurs de notre société proviennent de la nuit des temps et sont donc légitimes consiste déjà à faire un raccourci plus que malhonnête, mais prétendre que notre organisation de la famille est la seule valable (car le refus de faire évoluer de manière marginale le droit français en est un bon exemple) est totalement inacceptable.
- On ne sait pas ce qu'accepter ce projet de loi va provoquer, sûrement l'effondrement de la famille et la ruine de la société française. Il faut appliquer le principe de précaution.
Sous-jacent aux arguments précédents, cet élément ne peut en aucun cas être qualifié de la sorte. Il ne me semble pas que les attributs des catholiques comprennent celui de voir l'avenir. Dans ce cas, tout semblant de prédiction n'est que dérive spéculative infondée au mieux, mensonge immoral dans le pire des cas. Car ce n'est pas comme si nous n'avions pas d'exemples à portée et que nous allions vers l'inconnu. La France est en retard dans un domaine ou d'autres pays, européens notamment, ont déjà légiféré depuis des années (cf. la situation en Espagne, où le conservatisme religieux est pourtant bien plus fort qu'en France). Cela ne prouve pas que la réforme soit bonne me direz-vous. Certes, à part si les prédictions identiques telles que les ont faites les détracteurs du projet dans les pays concernées se sont révélées totalement fausses. Il n'y a donc strictement aucune raison que l'apocalypse s'abatte sur la France et que tous nos enfants deviennent des petits homos (et quand bien même ?) ni même de vils violeurs pédophiles dérangés. (mouarf mouarf).
Par ailleurs, le projet de loi ne ferait que protéger des couples qui existent depuis des années et ne sont protégés de manière juridique identique aux hétéros. Offrir la possibilité d'adoption à ces couples ne reviendrait qu'à mieux contrôler ces adoptions qui ont lieux malgré tout dans les autres pays européens, faute d'avancée sociale suffisante en France.
- Un enfant adopté qui aura deux parents de même sexe ne sera pas aussi heureux qu'un enfant avec ses deux parents biologiques.
Pure invention, d'où sort cette assertion ? Nombreux sont les témoignages d'enfants qui ont été élevés par des individus exclusivement féminins par exemple, et qui se sont construits des repères masculins autres que ceux du père. Par ailleurs, c'est encore une manière très auto-centrée de voir les choses : croire que ceux qui conçoivent l'enfant sont ceux qui élèvent cet enfant en tout lieu toute époque n'a aucun sens, nombreux contre-exemples en attestent. Ainsi, le concept de l'importance même du parent biologique pour l'enfant n'est que très relative. Si cette question peut bien évidemment restée ouverte, aucun élément ne permet de faire pencher la balance en faveur de cette affirmation.
- Le mariage, c'est un vieux truc dont même les hétéros ne veulent plus, pourquoi les homos auraient-ils besoin d'un truc aussi vieillot ?
La question n'est pas là. L'égalité cherchée porte sur la capacité de homos à pouvoir faire les mêmes choix et à bénéficier des mêmes droits que les couples hétéros. Ce n'est pas le cas, il y a donc une évidente discrimination d'ordre social, juridique,... basée sur l'orientation sexuelle, ce qui est tout simplement inacceptable dans un État de droit.
Il y aurait encore des dizaines de choses à ajouter face à la mauvaise fois, l'ignorance et la volonté de disséminer la peur dans la société, plutôt que d'accompagner ses changements. Ne dramatisons pas en disant que nous sommes face à un choix crucial qui orientera notre société vers son épanouissement ou son délabrement. Ce débat à simplement le mérite de regrouper d'un coté les conservateurs hostiles à toute forme de progrès (oui, donner les mêmes droits aux individus est un progrès), les homophobes qui n'osent pas l'avouer, et sans doute ceux qui, réellement sont convaincus de la justesse de leurs idées. Mais que restent-ils de leurs arguments, à part de la peur ? De quels droits se permettent-ils de dire que l'on sacrifie des enfants en permettant à certains d'avoir deux parents de même sexe ? Quelle légitimité ont ces donneurs de leçons ?
Il est temps de dire "Assez !" face aux arguments qui ne tiennent pas contre les enseignements des sciences, de dire stop aux épouvantails agités dans le but de semer la confusion, de porter haut et fort le mot d'ordre d'égalité pour tous !
Le mariage pour tous est une revendication légitime qui sera accepté par tous dans quelques années, une fois les peurs dissipées. Et tant pis pour les grincheux.