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Pourquoi fêter la langue bretonne

| | 12/06/2011
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"Sans langue bretonne, pas de Bretagne !"

    En cette fin de semaine de la Pentecôte a lieu à Kawan (Cavan en français) Gouel Broadel ar Brezhoneg, la Fête Nationale de la Langue Bretonne. Évènement rassembleur dans ce petit village d'environ 1200 âmes où l'occasion est donnée aux défenseurs de l'identité bretonne de s'exprimer et faire parler dans et pour une langue menacée d'extinction. Diverses activités sont organisées dans le cadre de la manifestation comme des rencontres sportives, des pièces de théâtre, la présence d'ateliers et de stands et bien sûr les traditionnels rencontres musicales et concerts débouchant sur les classiques mais non-moins entrainants festoù deiz et festoù noz.  

   Depuis déjà des dizaines d'années, le nombre de locuteurs du breton (et j'imagine également du gallo et des langues voisines) ne cesse de diminuer. A qui la faute ? La raison principale est simple : il y a plus de locuteurs âgés, d'anciens, qui disparaissent que de jeunes qui parlent le breton. La faute à une France qui refuse depuis toujours de reconnaitre le breton comme langue officielle et qui fait tout, depuis des années, pour empêcher l'accès à ce statut, bien que le cadre formé par l'Union Européenne incite fortement à cette reconnaissance.

Discussion sur cette affiche à lire ici
 
   De quoi a-t-elle peur ? On ne saurait réellement le dire pour former une réponse cohérente. Ce qui est sûr, c'est que le déni de la langue à la base de l'identité bretonne ne date pas d'hier. Il suffit d'écouter les chansons des artistes engagés et notamment des célèbres Tri Yann pour s'en rendre compte. Les Bretons ont toujours été là lorsque la France, cette patrie des droits de l'Homme, a eu besoin d'aide. En échange, ils n'ont récolté que mépris à leur égard. Des ploucs, disait-on. Défense de cracher par terre et de parler breton. Non, les Bretons ne sont pourtant pas communautaristes : majoritairement pro-Européens, ils aspirent simplement à conserver une culture qui fait la richesse de la France, mais également du monde entier en maintenant un niveau de diversité, ici linguistique notamment. 


   Temporairement sauvée, non par miracle mais grâce à la volonté des personnalités du monde celte, l'identité bretonne a repris du poil de la bête par la vague de celtitude (années 60-70) liée aux artistes musicaux aussi variés que A. Stivell, Gilles Servat, Denez Prigent, Are Re Yaouank ou les Soeurs Goadeg qui, pour ces dernières, ont permis la renaissance du Kan a Discan. Les écoles bilingues Diwan bravent la tempête depuis des années tout en parvenant à se développer, restant malgré tout dépendantes des dons des particuliers. Aujourd"hui, le Festival Interceltique de Lorient (FIL), le Cornouaille et même les Vieilles Charrues ainsi que des milliers de fêtes et évènements permettent au coeur de la culture bretonne et plus largement celtique de battre, soutenue par la population.

   Je développais ce dernier élément dans mon billet sur les identitaires. Une culture mérite de vivre et d'évoluer si au moins un individu adhère aux valeurs et aux normes qui s'y rattache. Si la totalité des individus la rejette, alors elle est vouée à s'éteindre. Ainsi, les Bretons combattant depuis des années pour maintenir leur culture vivante tout en la faisant évoluer et s'enrichir méritent qu'on leur accorde une attention bien plus grande que l'attention polie dont les représentants politiques font preuves dans le meilleur des cas. 
Deux exemples pour illustrer mes propos : l'introduction d'instruments modernes ou décalés dans la musique traditionnelle bretonne (guitare électrique très tôt, saxophone,... très loin de l'univers premier s'il en eu un), le mélange des genres (le couple biniou-bombarde au service du rap, de l'électro, du jazz), l'ouverture au monde (pays du Maghreb, d'Afrique, d'Europe de l'Est, d'Asie profitant de la diaspora). L'identité bretonne a su évoluer, ne la laissons pas se faire détruire par de minables calculs politiques.
Le second concerne le combat que mène les 5 départements historiques bretons pour la réunion de la "Loire-Atlantique" (!) dans l'unité administrative de la région Bretagne. N'est-il pas légitime que Nantes, capitale historique des Ducs de Bretagne ne soit considérée comme Bretonne plutôt que symbole des... Pays de la Loire ? 
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   Bref. Ce panorama sur la culture bretonne n'a pas pour but de promouvoir une quelconque indépendance ou autonomie, ne nous y trompons pas. Il est néanmoins nécessaire que l'opinion publique se rende compte que le Breton, symbole et pilier de l'identité bretonne, est enchainé par une France qui lui refuse le statut auquel il devrait légitimement avoir accès. C'est sans doute également le cas pour d'autres langues régionales, qui n'ont peut-être pas eu la chance ou l'opportunité de se diffuser comme l'a fait la culture bretonne pour pouvoir survivre. Si rien n'est fait pour ces langues, la richesse culturelle dont la France et l'Europe peuvent être fières se transformera dans le meilleur des cas, se dégradera dans le pire des scenarii. 
Que voulons nous ? 

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