Picsou l'imposteur

 
   Étant un grand fan des histoires de canards, c'est en me replongeant avec plaisir dans un vieux Mickey Parade de ... décembre 86  (ne me dîtes pas que ça n'existait pas parce que vous n'étiez pas nés, autrement Jojo va -encore- se fendre d'un billet rageur) que j'ai relevé une petite coquille qui m'a fait sourire et dont je voudrais vous faire profiter.

Picsou et le vaisseau fantôme, donc. Il faut savoir qu'à cette époque, les noms des scénariste et dessinateur n'étaient que très rarement affichés, contrairement à maintenant, dans le sommaire ou dans la marge des histoires, ce qui explique que je n'ai pu retrouver, malgré tout mes efforts, les personnes à l'origine de la Bédé. Ce n'est d'ailleurs que depuis très récemment que les auteurs et illustrateurs des bédés autour des canards (Picsou, Donald,...) se sont vus exposer sur le devant de la scène (interviews, analyse des styles,...) en France notamment par les efforts de MPG et Picsou Magazine, deux poids lourds du genre. C'est aussi à cette époque, et ça étonnera sans doute les plus jeunes, que les dessins sont colorisés seulement une page sur deux. Le bon temps, quoi.

Bref. Pour résumer l'histoire, qui est un classique du genre, l'oncle Balthazar part avec ses neveux à la recherche d'un vieux rafiot à Ushuaia, sur la Terre de Feu (à l'extrême sud du continent américain pour ceux qui ne visualisent pas), dans le but de remplir son musée qui ne remporte pas un grand succès par rapport à son rival Flairsou.

Vous remarquerez au passage, et c'est bien connu, que les habitant de Donaldville sont, comme dans la réalité, des personnes extrêmement cultivées qui se pressent tous au musée en pleine journée pour voir... la peau de la grande ourse par exemple. Okay.


Passons. Picsou, qui est l'homme le plus riche du monde risquant la faillite si sa petite salle reste vide durant une journée entière, part donc récupérer le bateau qui, étant maudit, lui est offert à titre gracieux. Mais ça, il ne le sait pas encore, ahah.

Alors qu'ils naviguent tous paisiblement sur le vaisseau fantôme en direction du retour, les neveux, en explorant le navire, trouvent des objets extraordinaires tels que...

... Oui, des dés. Cubiques, normaux. Je vous épargne les cases qui suivent ou les neveux se rendent compte que les dés sont pipés, puisqu'ils ne sortent que des 7, par addition de 5 et 2, 3 et 4, 6 et 1... Enfin, on a compris. Mais ça ne s'appelle plus des dés pipés à ce niveau là, mais des dés ensorcelés, petits malins.

Entre parenthèses, il est d'ailleurs question du Hollandais volant dans cette histoire, personnage légendaire qu'on retrouve dans bien d'autres productions culturelles. Pour ce qui est de Disney, on retiendra l'histoire de Carl Barks et le clin d'œil de Don Rosa dans la jeunesse de Picsou, qui contribuera au passage à démystifier considérablement la légende.

Attendez, un peu de patience, j'arrive au problème. Riri, Fifi et Loulou décident alors de vendre une partie de leurs rations de survie des Castors Juniors à leur oncle Picsou qui crève la dalle (oui, c'est dégueulasse, mais c'est de bonne guerre, hein). Et ceci, sous les conditions suivantes :

Okay, sachant que les dés sont ensorcelés, Picsou n'a aucune chance de remporter le pari, même s'il se croit en position de force.

Mais attendez, relisez ce que dit Picsou. Il n'est pas futé, il me donne onze chances de gagner contre une de perdre. 

Mesdames, Messieurs, vous êtes en train d'assister à la plus grande imposture du monde. Je l'affirme, ce canard est un imposteur ! Ou alors, Flairsou a raison, Picsou devient complètement sénile et sa faillite est proche. 

Mais oui, regardez, c'est une simple question de probabilités. Appelons R l'évènement qui symbolise la réussite de Picsou, à savoir "la somme des deux dés diffèrent de 7". L'évènement E, "la somme des deux dés fait 7" fait gagner Riri (je sais que c'est lui, il porte depuis des années cette immonde casquette rouge).

Et bien prenez deux dés non-pipés (car Picsou les croit normaux). Le premier dé peut prendre les valeurs suivantes : 1, 2, 3, 4, 5, 6. Idem pour le second. Il y a donc 6x6 couples possibles pour ce qui est du couple final, à savoir 36 possibilités. Parmi ces 36 possibilités, combien de couples valident E, c'est à dire que la somme des deux dés fasse 7 ?

Six en vérité, les voici : (1,6) , (2,5) , (3,4) , (4,3) , (5,2) , (6,1). La probabilité d'obtenir une somme de 7 avec deux dés non-pipés est donc de 6/36, soit une chance sur 6. Picsou avait donc non pas onze chances sur douze de gagner, mais 5 chances sur 6, ce qui est légèrement inférieur. En même temps, vous me direz que cela n'a pas grande importance puisqu'on ne lutte pas contre une malédiction, et qu'il y avait une probabilité (quasi) certaine qu'il perde.

Je vous répondrais : oui, mais quand même, il passe pour un gland alors que c'est l'homme le plus malin et le plus riche du monde. C'est gênant.

Je pense que ce qui s'est passé en réalité, c'est que les couples, (1,6) et (6,1) par exemple, n'ont pas été différentiés, alors qu'ils sont en réalité absolument différents. En effet, dans le premier cas, le premier dé lancé donne 1, tandis que pour le second, c'est un 6 qui est donné par le premier dé.
Et ça, bien sûr, personne n'a percuté à la traduction des dialogues chez Mickey Parade.

Le pauvre Picsou se fait donc avoir comme un bleu, lui qui a une si grande réputation d'homme de canard d'affaires. Merci pour lui.